Le sevrage, ce crève-cœur.
Par Aurelie
31 mars 2017
Le moment tant redouté est arrivé. Le sevrage. J’avais à la base prévu de sevrer Louis fin décembre, pour ses 2 mois, quinze jours avant de reprendre le boulot. Et puis, comme je vous le confiais dans l’article l’Allaitement et Moi, je le sentais pas, j’avais envie de continuer. Au moins jusqu’à ses 3 mois. Peut-être jusqu’aux 4. Louis a fêté ses 4 mois le 27 février, on est restés en allaitement exclusif jusque là, malgré la nounou, malgré le travail, malgré la fatigue et toutes les contraintes que cela engendre.
Le pourquoi du comment…
J’avoue, j’aurais aimé continuer encore, jusqu’à ses 6 mois, peut-être en gardant uniquement les tétées du matin et du soir. Garder encore un peu ces petits moments privilégiés entre nous…Force est de constater que le sevrage s’imposait à moi (à nous ?), pour diverses raisons :
* Louis ne faisait toujours pas ses nuits, il régressait même dans ce domaine : d’une tétée par nuit, il était repassé à deux, avec toute la fatigue que cela engendre quand on bosse à temps plein en parallèle…J’espèrais l’aider à mieux se réguler en passant au biberon. Et je pensais qu’il est archi-prêt à manger autre chose que du lait, en accord avec le pédiatre, on a commencé donc la diversification (on en reparle bientôt)
* J’étais épuisée, j’avais l’impression que ce fichu tire-lait me vidait de toute mon énergie, j’avais l’impression (enfin, c’est plus la réalité qu’une impression 😉 de ne faire que ça, préparer mon sac avec le tire lait, laver le kit d’allaitement, remplir les bibs, re-préparer le sac, re-laver le kit d’allaitement, etc.
* Je voulais retrouver du temps pour moi : raison égoïste au possible, mais tirer du lait et assumer toutes les tétées m’isolait beaucoup…Pas possible d’aller manger avec des amis le midi : je devais tirer du lait. Pas possible de faire du sport comme avant, non plus entre midi et deux. Pas possible de partir en weekend, parce que le transport du lait est ingérable. Bref, de retrouver toutes mes activités d’avant grossesse et une vie « normale »
* Louis a grandi, les tétées étaient parfois un chouia moins agréables qu’avant. Dès qu’il entendait un bruit, il arrêtait de téter et regardait partout, il s’agaçait parfois, il pleurait (parce qu’il avait faim, parce qu’il n’avait plus faim, parce qu’il était fatigué), il gesticulait, si loin du petit nourrisson immobile qui tétait consciencieusement et s’endormait au sein.
Il y aura toujours quelqu’un pour me dire que je n’ai pas allaité assez longtemps. Que je n’avais qu’à m’organiser différemment pour continuer, ou que je n’avais qu’à garder seulement la tétée du matin et celle du soir. Que le bébé est prioritaire et que j’aurais tout le temps ensuite de faire du sport, de lire des bouquins, de déjeuner avec des amis. C’est pas faux. Et la première “personne” à me dire ça, c’est mon petit moi culpabilisant, vous savez, celui qui apparaît puissance 15 quand vous devenez maman ? Comme un petit diable qui se met sur votre épaule et qui vous souffle : Tu pourrais faire mieux. Tu pourrais faire plus. Tu veux pas le meilleur pour ton bébé ? T’es pas un peu égoïste ?
Mais j’étais (et je suis) intimement convaincue que les mamans heureuses font les bébés heureux et qu’on allait trouver un nouvel équilibre après la transition. Transition qui a été plutôt douloureuse, dans tous les sens du terme…
Le sevrage, en pratique
J’ai essayé de m’y préparer au mieux, j’ai compté les jours : attention, plus que 3 semaines…plus que 10 jours…Comme m’a dit une amie, on parle tout le temps du sevrage du bébé, mais personne ne parle du sevrage de la maman. Psychologiquement, je l’ai mal vécu. C’est dur de sortir de ce huit-clos avec bébé, surtout quand on s’y trouve plus ou moins forcée par la fatigue, le travail, les contraintes sociales…et l’envie et la motivation sont toujours là. Et le lait surtout, je n’avais aucun mal à tirer la bonne quantité pour ses bibs pour la nounou – j’ai même l’impression de tirer de plus en plus !
Bien sûr, je n’ai pas eu d’infos sur comment sevrer bébé. J’en parlais dans l’article “On allaite peu en France. Tu m’étonnes”. Aux cours de préparation à l’accouchement, la sage-femme nous avait dit “c’est facile, vous supprimez un biberon tous les trois jours”. Personne n’a plus jamais évoqué le sujet du sevrage en pratique. Quelle tétée ? Comment ça se passe quand on est tire-allaitante la journée ? Est-ce qu’il faut tout arrêter ou tirer de moins en moins ? Quid des engorgements ? Donc encore une fois, je suis allée chercher les infos sur les forums.
J’ai décidé de faire ça “en douceur” sur 15 jours, et j’ai commencé par supprimer les tirages de lait : ceux du soir – c’était facile car je tirais après la tétée, donc il n’y avait pas tant de lait que ça. Et ceux du midi, plus compliqué car je tirais entre midi et deux de grosses quantités (jusqu’à 350ml) pour les bibs du lendemain. Je vous laisse imaginer ce que ça donne de passer toute la journée avec les seins pleins de lait, durs comme de la pierre.
J’ai donc continué de tirer un peu (60-80ml) les deux premiers jours au tire lait le midi, pour désengorger. Ce qui me permettait d’être à peu près à l’aise jusqu’à 16h, heure à laquelle l’engorgement commençait à devenir moins supportable. Voire même franchement douloureux, j’avais les seins pour déformés par l’engorgement. Au bout de cinq jours, ça s’est régulé, je n’avais plus tous ces problèmes le soir. Je me suis dit, chouette, je vais pouvoir continuer avec la tétée du matin / soir / et de la nuit, quelques jours avant de passer à l’étape suivante. Je n’avais pas anticipé qu’après avoir eu ces énormes seins inconfortables pendant plusieurs jours, ma lactation allait baisser aussi drastiquement.
J’ai continué le weekend avec mes trois tétées, je sentais bien que je n’avais plus autant de lait. Louis chouinait un peu, mais comme ça lui arrive souvent, je ne suis pas certaine qu’il manquait de lait. J’ai eu le choc de ma vie en me regardant dans la glace, au milieu de la nuit. Plus de seins. Plus rien dedans, et ça se voyait. Pas comme quand on se dit, tiens, j’ai pas beaucoup de lait aujourd’hui. Rien à voir, en fait. J’ai eu envie de pleurer parce que je ne maîtrisais plus rien. Je me suis dit que dans deux jours, quelques heures au plus, tout serait fini, qu’on ne terminerait pas sereinement l’allaitement, et surtout qu’on ne le terminerait pas quand et comme je l’avais décidé.
Le lendemain, j’ai décidé de tirer à nouveau un peu de lait pour pouvoir finir la semaine, comme je l’avais décidé. Louis a collaboré en réclamant plusieurs tétées la nuit, ce petit chenapan essayait-il d’entretenir ma lactation ? Toujours est-il que j’ai pu “assurer” les tétées du matin, du soir et de la nuit, comme je le voulais. Et que c’était reparti.
Quinze jours après avoir commencé le sevrage, l’idée d’arrêter l’allaitement est devenue plus facile à accepter, et je me suis sentie prête à supprimer la tétée de la nuit. Puis celle du soir. Puis celle du matin. Avec de beaux engorgements à la clé ! La dernière tétée est assez dure à stopper. Je vous conseille de ne pas la stopper subitement, mais de la proposer une fois tous les 2 jours, puis tous les 3 jours, jusqu’à épuisement du lait.
Il m’aura fallu trois grosses semaines pour accepter, le sevrage, physiquement et dans ma tête.
Quinze jours après avoir commencé le sevrage, l’idée d’arrêter l’allaitement est devenue plus facile à accepter, et je me suis sentie prête à supprimer la tétée de la nuit. Puis celle du soir. Puis celle du matin. Avec de beaux engorgements à la clé ! La dernière tétée est assez dure à stopper. Je vous conseille de ne pas la stopper subitement, mais de la proposer une fois tous les 2 jours, puis tous les 3 jours, jusqu’à épuisement du lait.
Il m’aura fallu trois grosses semaines pour accepter, le sevrage, physiquement et dans ma tête.
Ce que j’en ai retenu :
– que 15 jours, c’est un peu brutal pour arrêter l’allaitement. On lit 15 jours partout, mais 3 semaines – 1 mois, ça me semble plus raisonnable pour que la maman “décroche” et s’habitue doucement
– que même si le tire-lait entretient la lactation, mieux vaut tirer un petit peu le midi (60-80ml) pendant quelques jours, encore une fois pour habituer le corps en douceur et ne pas trop souffrir des engorgements
– qu’encore une fois, il n’y a aucun soutien, nulle part. Que de la théorie. Aucun accompagnement, aucune prise de conscience que peut-être, c’est dur pour la maman. Comme un baby-blues tardif.
– que la France est peut-être le pays des Lumières, mais pas en ce qui concerne la maternité ! A quand la restauration du congé d’allaitement, proposée à toutes, aux mêmes conditions, sans distinction de revenus, de secteur public / privé, du nombre d’enfants…
– que si c’était à refaire, je décalerai le début de mon congé mat’ pour ainsi décaler mon retour au boulot…et allaiter plus longtemps sans contraintes.
– qu’il ne faut pas se comparer aux autres, ni les écouter vanter leurs succès. Si tu allaites 4 mois, il y aura toujours quelqu’un pour te dire qu’elle, elle a allaité 6 mois. Si tu allaites 8 mois, il y en aura qui elle, a tenu jusqu’à 1 an, etc. J’ai eu la remarque sur les réseaux : “ah bon, t’arrives pas à tirer ton lait au boulot ? Moi je tire deux fois et c’est fait ! “. Remarque tout à fait hors sujet, car d’une part oui, je tirais mon lait au boulot, et d’autre part, ce n’était pas un problème de lait. On n’a pas toutes la même vie, la même résistance à la fatigue, le même boulot, la même aide à la maison, le même bébé, donc ne nous comparons pas.
– qu’il ne faut pas se comparer aux autres, ni les écouter vanter leurs succès. Si tu allaites 4 mois, il y aura toujours quelqu’un pour te dire qu’elle, elle a allaité 6 mois. Si tu allaites 8 mois, il y en aura qui elle, a tenu jusqu’à 1 an, etc. J’ai eu la remarque sur les réseaux : “ah bon, t’arrives pas à tirer ton lait au boulot ? Moi je tire deux fois et c’est fait ! “. Remarque tout à fait hors sujet, car d’une part oui, je tirais mon lait au boulot, et d’autre part, ce n’était pas un problème de lait. On n’a pas toutes la même vie, la même résistance à la fatigue, le même boulot, la même aide à la maison, le même bébé, donc ne nous comparons pas.
En conclusion…
Je lisais un livre sur les bébés (je vous en reparle bientôt) et je suis arrivée au chapitre sur la diversification. Il commençait par parler du sevrage de façon très honnête, et très directe (obligé, ça a été écrit par une maman). Ils expliquaient que le mot sevrage était fort, qu’on utilisait le même mot pour les toxicomanes, ce qui montrait bien l’état de “dépendance”, l’habitude qu’on doit casser, avec toutes les difficultés que cela engendre.
Et puis, comme un signe du destin, une petite phrase était glissée dans ce paragraphe. “On ne peut pas construire l’avenir en restant tourné vers le passé”.
J’ai décidé de me la répéter en boucle, de chérir ces moments qu’on a passés tous les deux, que personne ne comprendra jamais. Il y en aura plein d’autres, d’une autre nature.
J’ai décidé que j’avais de la chance d’avoir pu allaiter sans encombres, d’avoir pu connaître ça.
J’ai décidé d’être fière d’avoir allaité exclusivement pendant 4 mois. J’ai décidé de garder en tête les paroles de ma nounou, qui me dit que j’ai du mérite, ou de ma mère, qui me dit que c’est déjà très bien.
J’ai décidé d’avancer.
Comment avez-vous vécu le sevrage ?
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Avant tout – ne te culpabilises pas! tu as allaité autant que tu le pouvais ton enfant, il ne va pas s'en porter plus mal si tu sens que tu as besoin d'arrêter! Pour ma part je n'ai jamais pu me résoudre au tire lait, du coup après 4 mois j'étais passé à une tétée "plaisir" matin et soir, et j'ai eu la chance que mon corps s'y adapte assez vite. Bébé, par contre, ce fut un peu plus dur la première semaine, elle ne voulait pas de bib, et puis ça a fini par venir…Je pense aussi que 3 semaines-1 mois c'est plus approprié, pour se laisser le temps. Et oui, comme pour la mise en place et pour les difficultés, les infos sont difficiles à trouver et souvent contradictoires! Mais quelle pression sur l'allaitement…tu as fait ce que tu pouvais et voulait, ne te stresses pas!
J'ai allaité mon premier 6 mois, enfin plus ou moins. Mais j'étais à la maison jusqu'à ses quatre mois et on a commencé la diversification assez tôt (du coup un peu moins besoin de lait). Je pense que j'ai dû commencer le sevrage et l'introduction du lait artificiel vers 5mois et demi. C'était vraiment une galère de tirer son lait au travail et de le transporter. En plus je devais le chauffer puisqu'il se prédigèrait et prenait un goût de savon. J'angoissais pour les quantités … je n'avais l'impression de n'être qu'un réservoir de nourriture…Ca été dur, je me suis sentie coupable de ne pas en faire plus, un peu triste aussi et puis après, j'étais juste soulagée.
Pour mon deuxième, je suis à deux mois de lait maternel au biberon, je tire allaite comme on dit. Et je songe chaque soir à arrêter car c'est très compliqué mais la culpabilité me pousse à poursuivre. alors tu vois moi ça me fais du bien de lire qu'on arrête et que tous les allaitements ne durent pas 2ans (oui c'est un peu égoïste).
Tu as très bien fait, d'allaiter et puis de passer à autre chose après.
Tu as eu un bel allaitement et plein de beaux moments avec ton bebe! Il faut cherir ces moments et passer a autre chose si vous etes prets tous les deux! Avec Louis, vous formez une belle equipe prete a de nouvelles aventures…
Merci en tout cas pour ce chouette billet! C'est vrai qu'on lit rarement des temoignages sur la fin de l'allaitement 🙂
Merci pour ton article. Bébé fête vendredi ses 4 mois, pour le moment je ne souhaite pas arrêter d'allaiter a 100 % même si depuis 3 semaines, il a de temps en temps du lait artificiel, j'ai juste arrêté de tirer mon lait en journée et pour le moment, le soir et le matin, c'est tétée puis tire lait (mais pas assez de lait pour couvrir les besoins de bébé à 100 %). Cet équilibre me convient pour le moment, mais je ne sais pas du tout si mon corps va continuer à suivre. On verra. La fin de l'allaitement commence à être envisageable, je pense que le cerveau commence à se préparer car le corps va petit à petit se mettre à produire moins…
Franchement je t'admire… Concilier boulot et allaitement me parait juste une épreuve de folie. C'est déjà magnifique d'avoir pu allaité, alors f#### les discours culpabilisants… Nous avons vraiment d'énormes progrès à faire en France dans l'accompagnement de l'allaitement. Courage, et bravo (je suis en plein questionnement sevrage aussi, sevrage, comme d'une drogue, c'est exactement ça!)
Coucou Picou,
Avec le recul, ça va mieux, mais sur le coup ça a été un peu violent. Je suis contente de ce que j'ai fait, et je n'ai pas de regrets finalement, c'est le principal !